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Extrait Tome 1

 

CHAPITRE XVI

La balance et l’écrevisse.

Six mois plus tard, Honoré leur annonça son désir de quit­ter les rives du Meu et de repartir sur les routes bretonnes. Rose proposa d’organiser une soirée d’adieu...

– Allez ! vide ton verre Baptiste ! je ferme ! l’encouragea la patronne de l’auberge “ La Tête Noire.”

– Déjà ! il n’est même pas sept heures.

– J’ai des invités ce soir.

– Tu as l’air énervé, Rose.

– Il est où p’tit Robert ? je ne vais jamais être prête. Et p’tit Marcel qui n’a pas mangé...

Quand le croque-mort sortit, p’tit Robert entra. Celui-ci fut apostrophé par sa femme :

– Robert Orain, t’avais pas besoin d’aller dans le bourg, surtout aujourd’hui ! t’as vu l’heure ? j’espère que tu as prévu assez de vin ? je ne peux pas m’occuper de tout. Mets la table !

– Mais oui... ils sont où les couteaux ?

– Comme d’habitude !

– Je ne sais pas où ?

– Si tu rangeais plus souvent, tu saurais ! et puis, fais atten­tion à la nappe ! c’est un cadeau, s’énerva Rose après avoir étendu celle-ci sur la table. C’est quand même une nappe ou­vrée que m’a offerte Capucine.

L’ancien taupier était chargé de la mise en place des cou­verts. Elle s’emporta :

– La fourchette, c’est à gauche... pas à droite et puis dépê­che-toi, ils ne vont pas tarder...

Une demi-heure plus tard, ils étaient presque tous réunis autour d’une table. Seul manquait le forestier. Sophie de Boyère, devenue Madame Bourgeois, était venue accompagnée

de sa fille, qui, pour l’occasion portait un nouveau chapeau, et du Docteur Bourgeois. Celui-ci se tourna vers Capucine :

– Ma chère belle-fille, c’est dommage que votre époux soit absent.

– C’est vrai, ajouta Rose. Monsieur Adrien est si charmant.

– Il ne pouvait se libérer, il doit passer ce soir voir le mari de votre amie Félicité.

– Ah ! et pour quelle raison ?

– Il a chuté d’un toit ce matin.

– Il est blessé ?

– Légèrement, mais Adrien m’a dit ce midi que ce n’était pas grave, qu’il est jeune et qu’il s’en remettra rapidement.

– Regarde, Honoré. C’est dans le journal, montra p’tit Ro­bert.

– Je peux le garder ?

– Oui, bien sûr.

Le vieux médecin reprit la parole :

– Je disais donc... que j’ai réfléchi, et que j’avais l’inten­tion de céder ma clientèle à votre jeune mari. Bien sûr si cela l’intéresse...

– C’est formidable, se réjouit Rose.

– Le Docteur Bourgeois sera ravi, remercia Capucine.

Il se tourna vers sa nouvelle épouse :

– Sophie, lui donne-t-on maintenant ?

– Oui, ceci est pour vous, fit l’ancienne femme du juge en tendant un petit paquet à Honoré qui la remercia tout en sou­riant.

Il le déballa et découvrit un livret signé par le préfet de po­lice. La femme aux yeux verts expliqua :

– J’ai conservé des relations avec l’ancien sous-préfet. Maintenant, il est devenu préfet. A ma demande, il a établi un passeport à votre nom.

– Il est valable un an, précisa le médecin.

– Vous pourrez le renouveler chaque année. Sachez que votre livret-ouvrier n’est plus obligatoire.

– Merci Madame !

– Honoré, je vous en prie ! ne m’appelez plus Madame. Vous partez... et croyez-moi, je vous devais bien cela ! je dois confesser que j’avais de l'attachement pour vous, avoua la dame troublée...

 

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